En ce mois de novembre où nous prions nos chers défunts, certains se posent la question: où sont ceux qui nous ont quittés ? Faut-il maintenir la distinction traditionnelle, qu’on trouve déjà dans les paroles de Jésus, entre le ciel et l’enfer, entre les sauvés et les damnés ? Le mot « enfer » nous renvoie à un Dieu punisseur, vengeur, juge. Jésus ne parle-t-il pas d’un Dieu d’amour, d’un père toujours prêt à pardonner et à accueillir ? Mais cet amour ne s’impose pas, il se propose pour être accueilli et reconnu. Qu’il puisse ne pas être accueilli par un choix libre et responsable, qu’il puisse être même totalement refusé, voilà ce qui fonde la possibilité de l’enfer ! L’homme peut ne pas vouloir aimer… « Il appartient à l’âme de décider d’elle-même » dit Edith Stein, car mélite morte dans un camp de concentration.
L’enfer surgit quand l’amour est refusé, quand règnent la haine, l’égoïsme, le mensonge, la violence. L’enfer c’est aussi le désespoir, le refus absolu et défi nitif de l’amour. Le damné souffre de l’absence de Dieu, de l’impossibilité de le voir et de l’aimer. Et manquer de Dieu, c’est manquer de tout. L’enfer est donc une tragique possibilité offerte à notre liberté.
Mais faut-il en conclure que beaucoup sont en enfer, comme Dante Alighieri le décrit dans sa « Divine Comédie » ? La Bible nous dit à plusieurs reprises que Dieu veut que tous les hommes soient sauvés. L’amour de Dieu est inlassable, nous le savons. Alors comment ne pas dire avec Catherine de Sienne :
« Comment supporterai-je, Seigneur, qu’un seul de ceux que tu as faits comme moi
à ton image et ressemblance, aille se perdre et s’échappe de tes mains ? Non, en aucun cas je ne veux qu’un seul de mes frères se perde, un seul de ceux qui me sont unis par une identique naissance pour la nature et pour la grâce. » Pour les chrétiens, l’enfer existe, mais ils espèrent bien qu’il est vide !
Dans le Credo, les chrétiens affirment que Jésus est descendu aux enfers. Ce
la ne veut pas dire que Jésus est allé griller dans des flammes géantes, ni même qu’il est allé rencontrer le diable. Au temps de Jésus, quand on disait « aux enfers », on voulait dire, en lien avec la mythologie grecque et ro maine, « là où sont partis les morts », tous les morts. Ainsi, quand nous disons : « Jésus est mort, a été enseveli, est descendu aux enfers », cela signifie qu’il est mort pour de bon, comme tout le monde un jour ou l’autre. Il a fait jusqu’au bout le voyage dont on ne revient pas. Mais lui, il est revenu ! Nous affirmons qu’il est ressuscité ! Il a fait le chemin en sens inverse, de la mort vers la vie nouvelle, où on ne meurt plus. Il permet à tous les hommes de le suivre. Il les tire tous du fond de la mort. Il sauve tous ceux qui étaient morts avant lui, et tous ceux qui mourront après lui. Maintenant, le chemin qu’il a
ouvert ne se refermera plus !
Dans la vie des saints, il est souvent question de luttes avec Satan. La vie spirituelle a toujours été représentée comme un combat.
Cultures et époques marquent ce combat de leur particularité. Diablotin fourchu de saint Benoît, tableaux baroques dans les écrits de Thérèse d’Avila, esprits frappeurs du curé d’Ars… Rien n’empêche le combat de se nourrir des fragilités psychologiques ou des défauts du saint en question. Ils tissent son humanité. Femme de tête autant que d’oraison, Thérèse d’Avila est assaillie pendant la prière. « Il est très important de savoir la guerre que fait le démon à une âme pour la gagner, l’artifice et la miséricorde avec lesquels le Seigneur s’efforce de la ramener à Lui pour qu’elle se garde des dangers dont je ne me suis point gardée », écrit-elle.
Saint Ignace de Loyola, fondateur des Jésuites, dans ses Exercices spirituels, invite à débusquer les « pensées du mauvais » qui s’immiscent en nous et à vivre ce temps de « désolation spirituelle » comme une marche vers la liberté.
Si l’enfer nous fait peur, convertissons-nous ! C’est peut-être le signe que nous ne sommes pas en paix avec Dieu, ou avec l’image que nous nous faisons de lui. Dieu ne veut pas nous punir, nous condamner. Il ne cherche qu’une chose : nous sauver ! L’important, somme toute, est de vivre dès aujourd’hui comme des sauvés, ce que nous sommes tous depuis que nous avons été plongés dans les eaux du baptême. Courage !
Je vous souhaite de toujours choisir la Vie ! Bonne lecture de ce journal !
Ralph Schmeder, votre curé