Homélie des cendres 2021 de Mgr J.P. Delville

Chers Frères et Sœurs,

Mercredi des cendres ! Porte du carême ! En fait le carême a déjà commencé depuis un an, pourrait-on dire ! En effet, la pandémie nous fait vivre un genre de carême ! Elle nous force à jeûner, à prier, à partager, comme le recommande l’évangile de ce Mercredi des Cendres (Mt 6, 1-18). Jeûner, puisque depuis un an nous nous privons de nombreuses choses que nous aimons faire, à commencer par la vie en société et les rencontres amicales. Prier, puisque nous sommes amenés à porter devant Dieu nos situations de pauvreté et de dénuement, en lui demandant son aide et en le remerciant pour tous les gestes accomplis en faveur des malades, des souffrants et des pauvres qui attendent une solidarité. Partager, puisque nous donnons de nos moyens à ceux qui en ont le plus besoin et consacrons du temps à ceux qui crient à l’aide.

Alors faut-il en plus nous imposer le carême que nous demande l’Église ? oui, justement ! Car notre carême chrétien est un carême libre, il n’est pas imposé par les circonstances ; c’est un carême plein de sens parce qu’il est éclairé par une parole et une tradition ; c’est un carême spirituel, parce qu’il nous ouvre à l’Esprit de Dieu. En vivant ce carême volontaire, nous pourrons mieux assumer ce carême involontaire que nous impose la pandémie.

Le carême de cette année est marqué par l’incertitude. Nous ne connaissons pas l’évolution de la pandémie ni les mesures qui seront prises. Nous ne savons pas si nous pourrons fêter Pâques en communauté. Nous vivons dans la méfiance. Au cœur de la crise sanitaire que nous vivons, la méfiance s’est insinuée petit-à-petit dans notre société. On se méfie des autres : n’auraient-ils pas le coronavirus ? On se méfie des autorités : quelles mesures vont-elles encore nous préparer ? On se méfie de l’avenir : que vais-je devenir ? Ai-je les moyens de subsister ? On se méfie même de Dieu : pourquoi ne fait-il pas un miracle pour nous ?

Mais plutôt que de nous méfier, peut-être pourrions-nous regarder l’avenir avec espérance et nous baser sur l’alliance avec Dieu et entre nous. Comme je le dis dans ma lettre de carême, passons de la méfiance à l’alliance. Cette pauvreté supplémentaire que nous vivons nous invite d’autant plus à faire confiance en la grâce du Seigneur qui se donne à nous et en l’alliance qu’il conclut avec nous. Les cendres que nous allons recevoir indiquent notre vulnérabilité et notre condition mortelle, mais elles signifient aussi notre désir de conversion et de retour à Dieu.

Vivons donc volontairement le jeûne, le partage et la prière.

Quel jeûne ? Le jeûne, par les privations qu’il implique, nous permet de faire confiance à Dieu plutôt qu’à nos actions personnelles. Le jeûne nous invite à respecter la nature, le cosmos et la création. Il nous invite à faire alliance avec le cosmos et l’avenir de notre terre, à vivre dans la sobriété. Donc je recommande à tous l’abstinence et le jeûne le vendredi, en union avec le Christ qui a jeûné au désert. Je rappelle aux adultes l’obligation du jeûne ce mercredi des cendres (17 février) et le vendredi saint (2 avril).

Quel partage ? Le partage est une façon concrète de créer la solidarité et l’amour du prochain dans notre vie. Cette année notre Carême de partage sera centré sur les agriculteurs de la RDC et sur la remise de la dette du Tiers Monde. Ainsi nous ne serons plus centrés sur nous mêmes, mais unis à toute l’humanité, dans une communion mystérieuse qui intègre la souffrance, la mort et la résurrection. La pandémie nous oblige d’autant plus à être solidaires de tous les pays du monde : elle nous invite à faire alliance avec toute l’humanité. C’est ensemble que nous en sortirons, car nous sommes tous sur le même bateau.

Quelle prière ? La prière nous décentre de nous-mêmes, nous pousse à faire confiance à Dieu, nous rend attentifs aux dons qu’il nous fait ; la prière nous unit à nos frères et sœurs, nous invite à rendre grâces pour les découvertes que nous faisons et à louer Dieu pour son amour. La prière nous guérit et nous sauve, elle donne des forces nouvelles et des énergies nouvelles : elle nous invite à faire alliance avec Dieu, qui fait le premier pas vers nous et nous invite dans son amour.

Préparons-nous à vivre intensément nos quarante jours de carême ! Découvrons le sens de ce temps de mise à l’épreuve ! Préparons-nous, par la conversion personnelle, à recevoir la nouvelle naissance que le Christ nous donne ! Voici quarante jours particuliers qui se présentent à nous. Quarante jours en mémoire des quarante jours passés par le Christ au désert (Mt 4,1-11). Quarante jours pour accompagner le Christ dans sa passion et sa résurrection.

En ce carême, branchons notre cœur en Dieu et en nos frères ; vivons une conversion, en communion avec les catéchumènes qui vont recevoir le baptême ; soyons prêts à recevoir la grâce de la résurrection du Christ dans chacune de nos vies, en priant pour le salut de toute l’humanité.

Bon carême à tous et à toutes !