Le mot du Curé

Les leçons d’un acte homophobe

Chers lectrices et lecteurs,


C’est avec tristesse et consternation que les chanoines et les responsables de l’évêché ont réagi aux dégradations constatées à l’exposition « Familles aux mille visages », une vingtaine de photographies sur la diversité des familles d’aujourd’hui, qui étaient accrochées dans le cloître de la cathédrale Saint-Paul jusque début octobre.
Ces mêmes images avaient déjà été exposées, sans incident, dans les couloirs du Grand Séminaire de Liège. Mais il n’a pas plu à tout le monde que la cathédrale permette ainsi de montrer les clichés à un public plus large. Pour les auteurs de cet acte de vandalisme, « le modèle de la famille, c’est un homme
et une femme; ensemble ils donnent la vie ». C’est ce qu’ils ont écrit en grandes lettres notamment sur le portrait d’un enfant de neuf ans, avec ses deux pères. Et c’est justement ce garçon qui, lors d’une visite, a découvert le méfait. On imagine sa tristesse, son incompréhension et sa douleur d’être ainsi stigmatisé.
Rien que cet acte me donne des nausées. Mais j’étais choqué encore plus par les nombreux réactions de « bons » catholiques sur les réseaux sociaux qui semblaient approuver cette forme de violence, en citant de nombreux extraits de la Bible et des documents officiels de l’Église à travers les siècles, y compris le catéchisme en vigueur et l’exhortation apostolique « Amoris laetitia » du pape François. Pour eux, ’homosexualité reste une « maladie », un « acte désordonné », un « péché objectif ». L’amour entre deux hommes ou deux femmes n’a rien de positif, écrivent-ils.


Permettez-moi de faire quelques nuances :

· L’exposition à la cathédrale n’a jamais eu la prétention d’être un manifeste pour faire accepter les mariages homosexuels dans l’Église. Il s’agissait simplement d’un reflet de la diversité des familles aujourd’hui, un simple portrait de la réalité, sans aucune revendication. Quand on expose des photos
de guerre, faut-il en conclure que le photographe veut glorifier les terreurs d’un conflit armé ? Certes pas.

· Il est important que le dialogue au sujet de l’homosexualité se poursuive au sein de l’Eglise pour que chacun s’y sente accueilli tel qu’il est. Le débat concernant l’accueil des personnes divorcées-remariées doit se poursuivre de la même manière : à la lumière de la parole de Dieu et en comparant les préceptes anciens aux exigences de notre temps. Si la jeune Église chrétienne du premier siècle avait conservé les préceptes de la Loi juive (ce qui a été fait au début par la communauté à Jérusalem !), tous les chrétiens masculins devraient être circoncis, nous devrions nous abstenir de toute viande contenant du sang, et les femmes devraient participer aux célébrations voilées ou couvertes d’un chapeau, pour ne prendre que ces
trois éléments. La plupart des préceptes n’ont pas de caractère éternel, pourquoi alors celui du rejet total de l’homosexualité ?


· Le pape François, sans vouloir changer le regard chrétien au sujet du couple et de la famille et sans jamais accepter un « mariage entre personnes du même sexe », insiste néanmoins sur l’accueil de leur foi et de
leur amour sincères. C’est ce que notre évêque, comme d’ailleurs récemment l’épiscopat flamand, a voulu manifester en demandant la création d’un outil pastoral, qui prévoit aussi des prières « à l’occasion d’une union homosexuelle » devant la loi civile.


Une chose est certaine : le ou les auteurs de cet acte lâche et ignoble à la cathédrale a ou ont fait la meilleure publicité possible pour cette exposition.
Grâce aux médias, les derniers jours ont vu une affluence massive de visiteurs…
Ceux qui invoquent le fait que l’homosexualité n’est pas « naturelle » devraient pourtant se demander pourquoi de nombreuses personnes se sentent attirées par des partenaires du même sexe. S’agit-il d’un « défaut » de la nature qu’on devrait « réparer », d’une « maladie » qu’on pourrait guérir, comme on l’a essayé (sans succès !) dans le passé ?
Personnellement, je reste persuadé que Dieu a créé l’homme et la femme l’un pour l’autre, « pour ne faire qu’une seule chair » et qu’un enfant a besoin d’éléments de paternité et de maternité pour trouver son équilibre psychologique, mais je n’oserais plus affirmer de manière radicale que la famille traditionnelle (père-mère-enfants) soit le seul lieu qui procure cet équilibre.
Les extrémismes n’ont jamais porté de bons fruits. Jésus lui-même a vécu une radicalité spirituelle et morale exceptionnelle, mais il était aussi un homme compréhensif, qui savait écouter et acceptait les personnes telles qu’elles étaient. Nous « marchons ensemble » (c’est le sens du mot synode)
dans un monde qui évolue. Sachons lire les signes des temps…


Bonne lecture de ce journal,


Ralph Schmeder, votre curé

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